Survie

26 août 1973 - 26 août 2003 Commémoration

Publié le 26 août 2003

Il y a trente ans, le 26 août 1973, Outel Bono, médecin tchadien en exil, tombait sous les balles d’un tueur rue de la Roquette à Paris. Cet assassinat politique fut exécuté avec la plus grande tranquillité, comme si l’impunité lui était garantie et il fut en effet classé sans suite par la justice française.

Outel Bono était un opposant au régime de Tombalbaye, dont la cruauté et la corruption révoltaient les Tchadiens. Sa popularité au Tchad faisait peur au régime et il s’apprêtait à rendre publique, le 28 août, la création d’un « Mouvement démocratique de Rénovation Tchadienne ».

L’assassinat d’Outel Bono est l’un des crimes qui ont marqué la décolonisation en trompe-l’œil des territoires de l’Afrique francophone. Il s’agissait de décapiter les mouvements populaires qui aspiraient à une authentique indépendance et d’éliminer les leaders exigeants et fiers refusant une humiliante subordination. Ainsi ont disparu Ruben Um Nyobé au Cameroun, Barthélémy Boganda en Centrafrique, Sylvanus Olympio au Togo, Thomas Sankara au Burkina-Faso et bien d’autres militants dévoués à la cause des peuples africains. Privée de ses leaders naturels, l’Afrique “décolonisée” par la France a sombré dans les luttes de clans, comme au Tchad, ou sous la tyrannie de potentats inamovibles comme au Togo, au Gabon, au Cameroun. Au lieu du développement espéré, elle a connu l’explosion de la misère. La politique de la tutelle et du mépris a montré pendant quarante années toute sa malfaisance. Aujourd’hui, on voudrait faire retomber la responsabilité de son échec retentissant sur les peuples africains eux-mêmes. Il est donc indispensable de rappeler que cette politique a procédé avec persévérance à l’élimination des véritables élites au profit de valets grassement payés.

En assassinant Outel Bono, c’est l’avenir du Tchad qu’on a délibérément amputé de ses promesses. La compétence, la droiture et le courage furent les impardonnables torts qui le condamnèrent à l’exécution sommaire par les tenants d’une Afrique figée dans les clichés meurtriers.

Nous rendons hommage au docteur Outel Bono pour ce qu’il fut, pour l’image noble et intègre qu’il a donnée en modèle aux Africains. Qu’on se souvienne de lui et de son sacrifice.

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